La vidéo est-elle toujours nécessaire ?
Depuis le début de la pandémie début 2020, nous nous sommes rendus compte à quel point la vidéo est devenue omniprésente sur Internet. Que ce soit pour l’accès en streaming, les plateformes de diffusion en direct ou en différé sur youTube ou Twitch ou encore sur les réseaux sociaux, la vidéoconférence , ... Au delà des effets économiques, quel est le bilan social et écologique de ces nouvelles technologies ? En un mot comme en cent : en avons-nous vraiment besoin ?
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Nous passons de plus en plus de temps sur nos smartphones et nos tablettes pour consulter de la vidéo. dans les transports en commun, le soir après le travail, ou parce qu’un ami nous l’a partagé sur les réseaux sociaux, la vidéo accapare parfois nos vies. D’un certain point de vue, ce média a remplacé l’écrit.
Ces vidéos sont accessibles également sur nos écrans de télévision : après tout, les services de box proposent souvent la possibilité de se connecter à ces plateformes pour pouvoir les consulter.
On peut d’ores et déjà noter que la vidéo ne remplace pas l’audio : souvent, elle s’y substitue ! Dans nos usages, il nous arrive souvent d’écouter de la vidéo sans la regarder. Quel bilan carbone énorme au regard de nos usages !
De plus en plus, nous avons appris à utiliser des plateformes de visioconférence pour s’organiser à plusieurs, se connecter avec nos proches qui ne le sont plus tant que cela, ou même (ce fut la mode un certain temps) de faire ce qu’on appelait des "Apéro-Zooms".
La plateforme la plus connue est Zoom, bien sûr, mais nous avons utilisé d’autres services de vidéoconférence comme ceux de Skype, Facebook, Discord, etc. Le service public français, et notamment l’Éducation Nationale, a utilisé le service BigBlueButton, outil libre et ouvert. Le milieu Universitaire lui a parfois préféré le service de visioconférence de Microsoft Teams ou, quand les services informatiques en avaient la capacité, des services hébergés par la structure elle-même.
Au delà de la simple "présence" au travers de l’audio et de la vidéo, un service de visioconférence apporte pourtant de nombreux autres services qui, bien souvent, sont presque plus pratiques que le simple partage de vidéo :
Pourquoi donne-t-on tant d’importance à un service – le fait de se voir en direct – alors que c’est peut-être la chose la plus superflue et anecdotique ?
L’idée de voir et d’être vu en communiquant à distance n’est pas chose récente. Dès le XIXème siècle, dans des romans d’anticipation, certains auteurs imaginaient déjà qu’on puisse se voir et s’entendre, même à distance. C’est un fantasme récurrent des auteurs de Science-Fiction du XXème, mais jusqu’au début de ce siècle, ce n’était pas possible. Aussi, lorsque les webcams, les smartphones et les dispositifs de visioconférence sont apparus, nous nous sommes précipités pour utiliser ces nouveaux outils. Vu et Être vu sont devenus deux choses indispensables. Mais est-ce si important ? À travers ces quelques exemples, je vais tenter de montrer que cette idée est toute relative.
C’est un exemple récurrent que je connais bien : j’ai travaillé plus de quinze années dans le monde de l’enseignement à distance, et précisément à une époque où la visioconférence n’existait pas.
De nombreux-ses enseignant-e-s se filment en tentant de reproduire au mieux les conditions d’un cours en présentiel. Ils imposent que leurs élèves aient leur caméra allumée – au moins au début du cours – et soient devant leur écran, preuve selon eux qu’ils assistent bien au cours. On leur demande par contre de fermer le canal audio.
Parfois, certains reproduisent les conditions de la classe en se filmant écrire au tableau. D’autres restent assis devant leur ordinateur, partageant éventuellement un diaporama, les fameux Powerpoint (dont on se passerait bien volontiers). Certains font même l’appel à distance : c’est tout juste si les élèves ne doivent pas répondre "présent" – un comble quand on sait que les identifiants sont affichés. Toutes ces pratiques sont courantes et le sont devenues de plus en plus avec les nécessités du confinement.
Les Réunions à distance représentent une autre pratique associée à la vidéo, mais à nouveau, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes : des intervenants dont on a l’impression qu’ils parlent à eux-mêmes, dont les interventions durent, et qu’on ne sait pas quand elles vont s’arrêter.
Il n’y a pas de modérateur pour gérer la prise de parole et l’échange, ou rarement. Lorsque la modération est prévue, la personne ayant la parole continue, même si on lui dit d’abréger. Elle parle, mais ne regarde pas la caméra – personne ne la regarde – et une personne passive derrière son écran s’ennuie ferme, ayant compris au bout de trois minutes de quoi il s’agit. Néanmoins, elle tente d’être présente derrière sa caméra, en faisant bonne figure, même si personne ne la regarde.
Beaucoup de gens se plaignent de la fatigue induite par ces réunions à distance en visioconférence. On peut les comprendre : il faut faire preuve de présence, donner l’impression que son attention est totalement dirigée vers la personne qui prend la parole, peut-être encore plus qu’en présentiel.
Le soir, après une dure journée de labeur, déjà elle-même consacrée au travail distant – dont les fameuses réunions –, qu’il est agréable de se retrouver entre amis pour prendre un verre. Mais là encore, la fatigue gagne rapidement ! Par principe, une réunion informelle ne devrait pas nécessiter de modérateur : tout le monde parle à tout le monde, personne ne se voit vraiment ou ne s’entend. Finalement, cette pratique n’a pas fait long feu !
Beaucoup de gens vont trouver ici que je force un peu le trait. Mais franchement, qui n’a jamais été désintéressé par une réunion à distance, tenté avec difficulté de faire bonne figure, n’est sorti-e fatigué-e d’une telle réunion, ou d’un cours, ou même d’un apéro-Zoom qui devrait pourtant correspondre à un moment de convivialité ? Dans les entreprises, les collaborateurs se plaignent de cette énorme fatigue et de ce temps perdu. Les enfants, les adolescents et les jeunes adultes en formation initiale n’arrivent pas à apprendre dans des conditions décentes. La mode des apéros-Zooms n’a pas fait long feu et s’est estompé dès que les déconfinements ont eu lieu. Plusieurs études ont montré la grande fatigue apportée par ces réunions distantes, apportent parfois quelques solutions, rarement efficaces (https://www.blogdumoderateur.com/zoom-fatigue-universite-standord-explique-phenomene-solutions/).
Lorsqu’on se présente devant sa caméra, le regard ne porte jamais vers elle, mais vers l’écran. Ainsi, lorsqu’on participe à ces réunions, les regards ne se croisent jamais. On a l’impression de voir plein de gens qui ne regardent personne. Or, la chose la plus importante lorsqu’on se voit est très probablement l’échange du regard : on tente de comprendre ce que pense vraiment la personne en face de soi.
Nous oublions, dans ce monde hyper-médiatisé, que ce qui est à l’écran, ce n’est pas soi : je suis, aux yeux des autres dans un échange vidéo, un avatar. Chacun doit faire des efforts pour se représenter l’autre tel qu’il est dans la vraie vie. Si je ne connais pas la personne avec laquelle je partage cette forme de communication, je ne sais finalement rien d’elle, je ne perçois qu’une version tronquée de ce qu’elle veut bien me montrer. C’est un avatar du monde virtuel pour lequel je dois pourtant, tout comme lui, jouer le jeu de la réalité.
Ainsi, la vidéo est finalement un jeu de dupes dans lequel chacun doit faire semblant d’être qui il est tout en sachant que les autres font de même, dans une représentation permanente. C’est probablement une des raisons qui font que ces réunions en visioconférence sont tellement fatigantes !
Ces dispositifs facilitent dès qu’on a une petite connaissance en informations la triche. Par exemple, il existe des dispositifs dits de caméra virtuelle : on peut très simplement, plutôt que de passer son temps devant sa caméra, se filmer une seule fois suffisamment longtemps, et diffuser ce film en lieu et place de sa présence "réelle".
On peut aussi enregistrer (par exemple à l’aide du logiciel opensource OBS la réunion de façon à la voir plus tard, lorsqu’on en a le temps, l’esprit libre. Ces pratiques sont bien sûr particulièrement utilisées par des élèves ou des étudiants. Un avantage supplémentaire est que cette classe virtuelle filmée peut être partagée par l’ensemble des personnes qui auraient normalement du y assister.
Il faut comprendre que c’est tout à fait normal : passer des heures derrière son écran, devant sa caméra, être en représentation constante, voilà une excellente excuse !
Retour.
Le lecteur patient qui aura tenu jusqu’ici se demandera surement si l’auteur n’est pas hypocrite : il critique vertement l’importance accordée par ses contemporains à la vidéo dans la communication interpersonnelle, et dans le même temps, la structure dans laquelle il s’exprime propose des services de visioconférences.
C’est peut-être justement parce que nous critiquons cette forme de communication que nous pouvons peut-être apporter des solutions pertinentes pour tous, moins coûteuses, moins fatigantes, et plus efficaces dans le cadre d’un travail collaboratif.
Plusieurs systèmes de visioconférences proposent, plutôt que d’avoir un simple partage de son écran – qui n’est rien d’autre qu’un transfert de vidéo –, le partage de fichiers pdf : dans ce type de dispositif, on peut alors partager se simples "images" qui suffisent largement dans la plupart des cas, accompagnés par le commentaire Audio du présentateur.
Ce faisant, on diminue l’impact de la vidéo du présentateur qui n’a alors plus la nécessité de voir et d’être vu.
Si la voix du présentateur est un support fondamental dans une conférence à distance, il n’est pas nécessaire que les personnes qui y assistent prennent eux-aussi la parole. Le système de clavardage ou "chat" associé à cette présentation est alors plus indiqué : toutes les personnes présentes peuvent interagir par écrit, et le présentateur, restant attentif et suivant le flux des discussions du clavardage, peut apporter alors plus d’interactivité avec les autres personnes tout en évitant que la conférence soit sans cesse interrompue par la prise de parole de l’un ou l’autre.
Une petite anecdote au passage
Lors des premiers cours à distance que j’ai pu animer en 2001, le clavardage était la seule façon de communiquer entre les personnes assistant au cours – enseignant et apprenants.
J’y ai appris une très grande disponibilité envers les étudiants, une frappe sur le clavier très rapide et un changement radical dans ma façon d’aborder la place de l’enseignant dans ce type de dispositif – un thème que j’aborderai dans un autre billet.
Un des enjeux majeurs dans la visioconférence est de stimuler la participation au moment où le cours, la réunion, la conférence ont lieu. dans ce type de dispositif, en général, une personne parle et les autres écoutent. Éventuellement, l’animateur passe la parole à quelqu’un d’autre, mais les autres restent passifs.
Alors qu’on attend de l’Internet qu’il propose plus d’interactivité et d’engagement de la part des participants, c’est en général l’inverse qui se produit.
J’appelle Synchrone tout ce qui se produit en interactivité totale durant une visioconférence : prise de parole et échanges, clavardage, ... J’appelle par opposition Asynchrone tout ce qui se réfère aux échanges en dehors de ce temps particulier, avant et après la réunion.
On peut par exemple, dans un temps asynchrone,
J’ai tenté de montrer que l’habitude prise de faire de la visioconférence – sensée mimer ce qui se passe en présentiel – n’était pas forcément la meilleure façon d’utiliser l’outil. Nous avons trop pris en présentiel l’habitude de considérer que ce temps synchrone de réunion était important en tant que tel et qu’il facilitait l’organisation du travail et l’échange entre les personnes présentes.
Malheureusement, les mauvais cotés de ces réunions se sont amplifiés lors de l’utilisation de la visioconférence. Il nous faut inventer d’autres pratiques qui aident au travail de chacun : la visio ne devrait être qu’une partie des échanges, et une réunion ne devrait plus être considérée comme un temps unique, mais une plage de temps qui est constituée par du Synchrone et de l’Asynchrone.
Je suis conscient que ces nouvelles – et peut-être mauvaises – habitudes que nous avons prises ces derniers temps ne vont pas changer du jour au lendemain. Après tout, dès qu’on a pris un outil en main, on a du mal à changer la façon dont on les utilise. Mais, tout comme les spirales vertueuses permettent de changer progressivement les pratiques, on peut faire de même avec Internet et l’usage de la vidéo. Tout l’engagement de l’Association ADENÜM est là : accompagner ses concitoyens à ces nouvelles pratiques.
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